Le droit fondamental des étrangers, même sans papiers, de se marier

Publié le 20/09/2025

 

Le droit au mariage est un droit fondamental reconnu tant par le droit français que par les textes internationaux. Pourtant, ce droit fait aujourd’hui l’objet de vives tensions, en particulier lorsqu’il concerne les étrangers en situation irrégulière, visés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Plusieurs maires ont récemment refusé de célébrer des mariages en invoquant ces situations administratives, soulevant ainsi une controverse juridique et politique qui mérite une mise au point claire et rigoureuse.

Le droit au mariage : un principe constitutionnel et conventionnel

En droit français, l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit le droit de se marier. Le Conseil constitutionnel a également reconnu, dans sa décision n° 2013-353 QPC du 18 octobre 2013, que le droit de se marier est une liberté fondamentale à valeur constitutionnelle.

Or, ce droit s’applique à toute personne, sans condition de nationalité ou de régularité du séjour. Cela signifie que même une personne en situation irrégulière, y compris visée par une OQTF, conserve pleinement le droit de se marier en France.

Jurisprudence constante du droit au mariage

La jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour de cassation est claire : la situation administrative d’un étranger ne peut justifier, à elle seule, un refus de mariage. La seule limite admise est la lutte contre les mariages frauduleux (mariages blancs ou gris), sous le contrôle du procureur de la République.

Le rôle du maire : une compétence liée, non discrétionnaire

La célébration du mariage civil est une compétence déléguée par l’État aux maires. Ces derniers n'agissent pas en leur nom propre, mais en tant qu'officiers de l'état civil. À ce titre, ils sont tenus de respecter la loi et ne peuvent opposer des considérations personnelles ou politiques pour refuser de marier deux personnes.

Ainsi, le refus de marier un étranger au motif qu’il est sous le coup d’une OQTF est illégal. Le maire n’a pas à apprécier la régularité du séjour d’un futur époux. Ce rôle revient, le cas échéant, au procureur de la République, qui peut être saisi en cas de soupçon de fraude.

Une dérive inquiétante

Depuis plusieurs mois, certains maires ont publiquement annoncé leur refus de célébrer les mariages d’étrangers en situation irrégulière, invoquant une volonté de « ne pas régulariser par le mariage ». Ces positions, bien qu’ayant un certain écho médiatique, sont contraires au droit.

Le ministère de l’Intérieur lui-même a rappelé, dans plusieurs circulaires, que la célébration du mariage ne peut être conditionnée à la régularité du séjour.

Que faire en cas de refus de mariage ?

Si un maire refuse de célébrer un mariage en raison de la situation administrative d’un des futurs époux, plusieurs recours sont possibles :

  • Saisir le procureur de la République : Le procureur peut ordonner au maire de procéder à la célébration du mariage, sous peine de sanctions.

  • Engager un référé liberté devant le tribunal administratif, en invoquant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

  • Porter plainte pour discrimination, si le refus est manifestement fondé sur l’origine ou la nationalité de l’un des époux.

Notre cabinet assiste régulièrement des couples confrontés à ce type de refus. Nous les accompagnons dans la constitution du dossier, les démarches auprès des autorités, et si nécessaire, dans le contentieux devant les juridictions administratives ou judiciaires.

Le mariage : un levier de régularisation, mais pas un "passe-droit"

Il convient de rappeler que le mariage avec un ressortissant français n'entraîne pas automatiquement la régularisation du séjour. L’administration reste libre d’apprécier la réalité de la vie commune, la bonne foi des époux, et le respect des conditions de vie en France.

Cependant, le mariage ouvre des droits, notamment à une carte de séjour « vie privée et familiale » sous certaines conditions. C’est un élément pris en compte dans l’examen d’une demande de titre ou d’un recours contre une OQTF.

Conclusion

Le droit au mariage est un droit fondamental, inaliénable, qui ne peut être restreint par une décision administrative ou par l’appréciation subjective d’un maire. Le respect de l’état de droit impose que même les personnes en situation irrégulière puissent exercer ce droit dans des conditions dignes et conformes à la loi.

Face aux discours stigmatisants et aux pratiques illégales, il est essentiel que chacun connaisse ses droits et puisse être accompagné efficacement dans ses démarches.